Winshluss, Les Requins
Marteaux, 2008.
Winshluss se livre dans
cette bande dessinée à une revisite du conte Pinocchio.
Si je n'ai jamais lu
l’œuvre originelle de Carlo Colodi, publiée en 1881, j'ai été imbibée
de l'adaptation qu'en fit Walt Disney et ce sont les séquences du
film, les musiques et le nez qui pousse qui ont marqué mon propre
imaginaire et sont venues se confronter à l'univers de Winshluss.
Chez lui, le jeune pantin
n'est plus de bois mais de fer, la fée a disparu, Jiminy Cricket
s'est transformé en Jimmy le Cafard et l'enchantement devient
macabre. Mais enchantement il y a...
Si Disney cherchait à
apaiser, Winshluss lui vient réveiller, titiller des instincts plus
vils, des aspirations insatisfaites.... Le conte a ce quelque chose
d'universel, qui sans forcement être dicible, interpelle. La bande
dessinée réussit avec brio à trouver là où ça grouille....
Cradingue, le mot vient pour illustrer certaines passages... et
pourtant l'ensemble ne tombe jamais dans le salace. Nuances
subtiles ? Peut-être ? Nuances personnelles ?
Sûrement ... Mais nuances.
Cette bande dessinée est
puissante et habilement construite. Les mises en pages
alternent, se font face et se font clash, marquant le rythme d'une
lecture qui n'a guère d'espace pour se reposer. Sous la forme de
feuilleton, l'histoire se déroule. La couleur alterne avec le noir
est blanc, d'une page de comics américain, on passe à un spot
publicitaire, puis à des croquis de carnet dessiné. Mais ce mélange
n'est pas un simple digest, il est articulé.
L'auteur s'amuse avec les
genres du roman populaire, avec les codes et les « égéries »
de la culture de masse.... La mythologie moderne est à la fois
canonisée et dynamitée ! De Charlot à la surfeuse du
Pacifique en passant par le détective alcoolique et cynique on
retrouve autant de figures de la culture moderne. L'imaginaire
enfantin n'est pas en reste. Blanche Neige en prend pour son grade
tandis qu'un personnage aux traits pas si lointain des Katzenjammer
Kids rappelle que les enfants se montrent aussi cruels. Sensible
peut-être de part ma propre personne, je me suis amusée à voir
défiler les visages du féminin.
Et puis il y a en dedans
de cela un souffle de romantique, Jimmy le cafard -autre nom du
spleen- est un éternel insatisfait, un idéaliste dérisoire.
Dictature fanatisme, l'aveuglement revient à maintes
reprises...l'œil voyeur, l'œil qui scrute, l'œil miroir.
Un conte se donne à lire
et à entendre, une bande dessinée se donne à lire et à observer.
Dans cette densité
référentielle, la trame narrative est bien là. L'histoire se
poursuit, au fil des pérégrinations de Pinocchio, en orbite ou sur
la mer, se succèdent les paysages, les personnages et les
carnages... un seul instant ses yeux s'éveillent...un seul instant
il semble prendre part à la valse du monde...
Petit bonhomme, toujours
seul sur la route, il n'en finit pas de marcher...Seul,
inexorablement et ainsi, si vraisemblablement humain!
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détail p.41 |
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