Être entourée de livres, d'images et de mots et tenter d'en dire quelque chose, de partager...

Garder une trace, vaine intention, peut être... Tant pis...

Un blog à défaut -blogger - (et oui, je cède à la simplicité et je me fais complice de google, tant pis....). Les messages s'affichent des plus récents aux plus anciens...



mardi 16 décembre 2014

Garduno en temps de paix.

Philippe Squarzoni,
2002, Les Requins Marteaux


Bande dessinée assurément militante, une préface signée Ignacio Ramonet, voilà qui donne le ton. Philippe Squarzoni restitue dans cet album une réflexion engagée, bouleversée aussi par les dés-Ordres du monde. Il réagit, dénonçant l’emprise de discours médiatiques des plus puissants. Puis se demande : comment agir ?

C’est à travers un personnage, que l’on devine autobiographique, qu’il choisit de dérouler l’enquête. Elle va du nord au sud, de l’ouest à l’est, les pages font se rencontrer des hommes des femmes de l’armée zapatiste de libération nationale et les no man's land serbo-croates. Dans le chaos, dans la violence, se trouvent des réponses, des issues pacifiques. C’est aussi en mêlant un cheminement à la fois intime, personnel et collectif qu’il questionne ses propres travers et ceux d’une société qui le débordent et qui parfois le sabordent.

Si le discours n’a pas toujours su me convaincre, le jugeant parfois maladroit – pour ne pas dire simplificateur, la construction graphique, elle, a su m’interpeller. Déjouer la fiction médiatique en jouant du médium bande dessinée, la démarche est percutante et le travail de l’auteur très intéressant.
« Libre /occupé »
les pages s’ouvrent sur une dualité, et puis s’enchaînent des oxymores visuels , des dessins, des collages et des mots. Ils s’emboîtent, se confrontent et se révèlent les uns aux autres. Ensemble, ils forment un album riche, et dévoile une pensée, mais plus encore un ressenti, celui de l’auteur peut-être ? Celui du lecteur ? troublé, il ne sait plus… mais la colère, elle gronde, comment rester indifférent ?

À noter :
  • un deuxième album fait suite : « Zapata en temps de guerre », Requins marteaux , 2003.
  • une nouvelle édition des titres en 2012 chez Delcourt. (un choix éditorial, à mieux éclairer...)

mardi 25 novembre 2014

...océan...au devant...

*
La vue qu’on dit la plus juste du Cosmos, celle d’un point dans une sphère, je l’ai assez naturellement (d’accord cela ne donne pas la solution des problèmes.)
La vue de la mer me l’enlève. Cette fenêtre ouverte sur l’immense, sur l’inconnu, me soulage de cette notion sans doute fatigante de la sphère et me rend à la dualité, qui est plus humaine (occidentalement parlant).

Autre racine du soulagement: c’est qu’il n’y a pas d’intrus qui puisse venir à l’improviste du côté de la mer (impression ayant pris racine avant la guerre des sous-marins).

Mais le plus extrême soulagement vient d’ailleurs.

Il vient du repos de la machine à appréhender les différences.

On est soulagé du varié à n’en plus finir de la Terre, terrible solliciteuse, qui a toujours quelque chose à nous montrer, à nous proposer (cailloux, fleurs, plantes, collines, ruisseaux, objets de comparaison).

Fini donc ! On s’en remet paisiblement à l’agitation pratiquement égale des milliers d’hectares de vagues devant nous du soin de nous perdre en nous massant.

*
Henri Michaux, Passage, Idées de traverse, (1942)
*
Par un automne, La Rochelle, novembre 2014.

*

mardi 11 novembre 2014

Bluesman

Rob Vollmar, Pablo Callejo, intégrale Akileos, 2009.
première édition française en 3 tomes, 2005-2009.


Histoire sombre, histoire noire
Dessins blancs et noirs.

l’Amérique des années 20,
loin des villes, dans la terre, dans la boue.
Ségrégation raciale…
Là,
las,
deux noirs ne valent pas une blanche.

On s’accroche dans cette bande dessinée.
Violence.
Des crochets aux croches pointées,
du sang au corps,
de la voix au feu,
puissance et animalité.

L’humanité n’est pas de mise ?
Amitié et traîtrise.
Ni tout noir, ni tout blanc.

Ce récit servi d’un trait féroce et écorché est dur.
La lecture, parfois mal-aise, parfois révolte est forte.



Et la musique…elle vient de là, elle vient du blues…

mardi 28 octobre 2014

Viva Patàmâch...

Jean-Louis Capron, Killoffer, Seuil,2001

Mâchouillerez-vous un bubble-gum de la même manière une fois que vous aurez lu cette bande dessinée, rien n'est moins sur ?

L'histoire semble sortir d'un pari délirant : édifier la tyrannie du chewing-gum ou de la pâte à mâcher en francisant le terme. A l'image d'un certain village gaulois, on découvre, dans les premières pages, une petite ville paisiblement installée dans une autarcie joyeuse. Les habitants se rassemblent, c'est le jour du grand défilé, la fête nationale. Signe particulier, tous masticotent. Ce qu'ils ont dans la bouche a fait le succès de Monsieur Rosemou. Il règne sur la ville et la tranquillité de tous, ce jour là, son discours est attendu....Mais, comme souvent, devant tant d'éclats, les revers sont bien sombres. Le bonheur est illusoire, et c'est la faille qui est traquée tout au long de cette bande dessinée.

Le scénario est de Capron, il réussit à faire rire autant que réfléchir. La pâte rose se prête aux jeux de mots et ses bulles se marient ingénieusement à celle du médium.
Album en quadrichromie, le rose psychédélique est l'unique (ou presque) couleur venant jouer avec le noir et blanc. Le trait de Killoffer - peut-être familier aux lecteurs de Libération ou de la cocasse revue Le tigre, convient parfaitement à l'histoire. Il installe un univers urbain propret et ordonné, mais à observer de près les cases, des visages hostiles se dévoilent, des dissymétries font planer une menace, et quand on pénètre les intérieurs, alors, les mécanismes deviennent monstrueux...

Le rose en politique, une couleur malheureuse? A chacun de s'en faire une idée....Engagez vous dans la lecture!

mardi 14 octobre 2014

5 est le numéro parfait

Igort, Casterman, 2002

Noire et intraitable telle est cette bande dessinée.
Album exigeant et soigné graphiquement, il s'appuie sur un jeu minimaliste de couleur. Le trait est acéré, irritant parfois, sombre souvent. Peu de superflu, mais beaucoup de détails, aucun ne s'avère inutile, les images sortent des cases et celles-ci ne sont jamais les mêmes. la composition est réussie, l'histoire aussi.

Il y a comme un parfum d'Al Pacino, une ambiance de roman noir à la Hammett et une critique sociale désabusée qui rappelle les bandes dessinées du duo Munoz et Sampayo, mais l'auteur Igort parvient à créer une œuvre originale où le suspens s'installe au fil des pages et monte crescendo jusqu'à la fin.

La fiction se déroule en Italie, débute dans la province napolitaine. Partageant un café, un fils est un père se retrouve. Même profil, même métier: L'homme « il est comme il tue ». La mafia est déjà une histoire de famille, la transmission y est primordiale, essentielle. Fatalement pourtant, il suffit d'un coup pour mettre en branle tous l'équilibre. Une fois lancés, les coups n'en finissent plus de tomber. Entre coup du sort, et coup de grâce, entre coups de foudre et coups de feu... le lecteur est chahuté de cases en cases et il se demande longtemps en quoi 5 est le numéro parfait ?

Une BD violente, mais une BD intelligente !



mardi 30 septembre 2014

Daytripper

Gabriel Bá et Fábio Moon,
Urban Comics, Vertigo, 2012 (version originale, 2011)

On dit parfois que l'on a plusieurs vies...et donc plusieurs morts.

Des morts, le personnage principal, en invente chaque jour.
Trentenaire un peu désappointé, Bras, se charge de la rubrique nécrologique d'un quotidien brésilien. Il aspire cependant à autre chose, une autre forme d'invention qui ferait de lui, quelqu'un. S'il est un modeste chroniqueur son père, écrivain, fait la une du journal. Ils sont liés et en même temps séparés par ce désir d'écrire. L'histoire débute le jour d'une réception municipale organisée en l'hommage du paternel. Ce soir là, il fait chaud à São Paulo et la lourdeur des cœurs rencontre celle du climat tropical.

Des morts, les auteurs en inventent plusieurs.
Dans cette bande dessinée en dix « chapitres », c'est toujours Bras et ses proches, toujours lui-même et pourtant chaque fois différent. Le lecteur apprend à le connaître, à le reconnaître, il le découvre comme lui-même se découvre. L'écriture est habile, les dessins à mon goût quelquefois maladroits, mais la narration est inventive, intuitive et poétique.

Écrit à quatre mains par deux frères jumeaux, comment ne pourrait-il pas y être questions de liens ?
Des liaisons intimes, amoureuses, amicales, fraternelles et filiales mais aussi d'autres moins perceptibles, celle de l'être et de la terre, du dedans et du dehors.
L'histoire commence en ville, puis débordera bien souvent les frontières urbaines, plongeant le lecteur au cœur d'un Brésil, d'une Amérique latine qui respire par les forêts, les plaines et qui s'ouvre vers de larges horizons.Le pays se dessine pris entre traditions, folklore, modernisation et marchandisation. Et puis, toujours Bras, un cœur qui bat,et se débat parmi tout ça...

Une jolie bande dessinée.

mardi 16 septembre 2014

De mal en pis

Alex Robinson , Rackham, 2004.

L'histoire de ce roman graphique américain s'installe au cœur d'un petit réseau de jeunes new-yorkais entre deux âges. Voilà qui pourrait ressembler à une enquête ethnographique, mais non, il s'agit bien d'une fiction : une saga amicale avant d'être familiale et sentimentale. Paru depuis plus d'une décennie (2001), les faits qui s'y déroule préservent pourtant bien toute leur acuité.
On entre dans la ronde sans intrusion par un des personnages, et puis au fil des pages, on pénètre au sein de ce petit monde, entre les coups de gueules et les éclats de rires, la franchise et les non dits... on détecte les animosités et les penchants, les angoisses derrière les masques. Avec le temps, les liens se resserrent ou s'étiolent, pour certains des déceptions, pour d'autres de l'amertume, et pour quelques-uns, simplement une joie de partager et d'être ensemble. Il y a quelque chose d'authentique là-dedans, qui simplement advient.

 « Box Office Poison », le titre originel est plus acère que la traduction, il dévoile aussi plus volontiers le ton le grinçant du livre. En jonglant avec les différents protagonistes, l'auteur confronte les points de vues, les situations et les temporalités, c'est parfois troublant. Mais, la narration est solide, bien ficelée et le lecteur n'a pas de quoi s'égarer.

Enfin, un avertissement ou une invite, c'est selon : L'album compte 600 pages, ça peut rebuter certains...De mon côté, j'ai choisi l'été pour l'ouvrir. Je ne le regrette pas.
Bien séquencé, le livre se prend, se pose, et finalement se termine sans crier gare...

mardi 2 septembre 2014

Apnée

Zviane, PowPow, 2010

 Voila, une bande dessinée sobre et sombre.

M, aime, hum,
Tenue parfois est la différence entre deux mots...
Sobre, par la graphie, le papier et les séquences bruts.
Les formes prennent corps par des lignes continues, noires et épurées.
Sombre, par l'histoire, le sujet et les expressions presque absentes des visages.

« Il y a comme une odeur d'eau »
Cette expression ponctue l'histoire de part et d'autre.
Étrange sensation, n'est-ce pas ? Tenter de la définir, tenter de la ressentir est désarmant.

En quelques mots et avec de longs silences graphiques et littéraires, Zviane, auteur québécoise fait plonger ses lecteurs dans le monde étanche de son personnage...une indéfinissable apnée.



mardi 15 juillet 2014

... suspens



En vadrouille

loin d'ici
 proche de là

Zig Zag

...
 vacances


Photo prise dans le parc national des Grands-Jardins, QC, Juillet 2014

mardi 8 juillet 2014

Tramp

Jean Charles Kraehn, Patrick Jusseaume
Intégrale Premier Cycle 1993-1999, édition France loisirs © Dargaud 2013.

Épique, intriguant et romantique, trois mots qui à eux seuls ne résument pas le premier cycle en quatre tomes de la série TRAMP, mais en laisse préjuger la substance. 

Un jeune et bel homme aux yeux bleus, un amour brisé, un autre retenu, un coup de crapule et le large comme horizon. Les ingrédients sont là pour tisser la toile de ce récit d'aventures. Le genre est respecté, parfois trop, mais c'est aussi ce qui fait la force de cette bande dessinée. Les pages se tournent et le cours de l'histoire se renverse plus d'une fois. 

La mer est là sans cesse et ce n'est pas pour me déplaire, les gros bateaux aussi, les huiles qui suintent, le brouillard humide, la chaleur accablante, l'aigreur de la  saumure et la douceur des flots. Du cargo au radeau, du sous marin au chalutier, la mer est accueillante...mais elle est aussi violente. Si dans cette aventure elle reste impartiale, les hommes, eux, se montrent beaucoup plus perfides, chacun à ses faiblesses. 

Le scénario de Kraehn est servi par les traits de Jusseaume. Le dessin est précis, les lignes claires, ils donnent de l'épaisseur aux différents protagonistes, de la matière au cadre. Le dessinateur réussit par une palette d'expressions à faire surgir sur les visages des personnages, les sentiments confus et contradictoires qui les traversent, c'est indéniablement le cas pour Yann Calec, ce «héros malgré lui ». Les couleurs sont bien choisies et rendent le lecteur sensible aux détails jamais futiles. 

A chacun de se laisser embarquer dans cette lecture, moi j'y ai cédé avec plaisir ! 

Cela faisait déjà six mois que ce livre était entré dans ma bibliothèque, ce n'était pas un hasard, mais une intention tout attentionnée d'une personne qui me connaît comme aucune autre, merci ! 

mardi 1 juillet 2014

Une jeunesse soviétique

Nikolaï Maslov, Édition Denoël, 2004.

Petits et grands arrangements de la vie.
Ce n'est pas la première fois que je relis cette bande dessinée et chaque fois elle me touche.
C'est une fiction autobiographique, au delà du parcours personnel, de l'histoire familiale, c'est toute une jeunesse qui se laisse entrevoir, et par elle tout un pays.

Sont contées les années de formation, civile et militaire dans un régime autoritaire.
Les alternatives à l'obéissance sont chèrement payées. Le jeune homme comme les autres est contraint à la docilité...
Mille raisons de devenir cynique, mais jamais l'auteur ne s'y résout.
Le ton n'est pas gai, plutôt désabusé mais pas désespéré.
Choisir l'insoumission sans la résistance. Comment alors, prendre la tangente ?
Dans cette histoire, certains choisissent l'alcool, d'autres l'aveuglement, certains la violence.
L'auteur se tourne vers le dessin.

Et des années plus tard, il livre cet ouvrage.

Un trait crayonné expressif, des portraits douloureux, des gestes parfois maladroits renforcent un graphisme dénué de lyrisme : une réalité crue, mais jamais dénigrée, jamais avilie. Il nous fait pénétrer dans son intimité, il nous fait découvrir sa Russie, celle des grands espaces vides et des villes anguleuses.

On y vit du peu, mais cela suffit, tout juste le nécessaire. Alors on comprend où se trouve l'essentiel.

L' ouvrage a fait l'objet d'une édition soignée, un papier glacé, pour cette histoire d'un pays où il peut faire très froid et très aride... Une lecture éprouvante, émouvante qui vaut le détour.




mardi 24 juin 2014

Le chanteur sans nom

Arnaud Le Gouëfflec, Olivier Balez,
Glénat, 2011.

Partir des traces, une boite à souvenir.
Se confronter aux témoignages et tracer une mémoire.

Par cet album les auteurs font resurgir une aventure pleine de mélodie.
Une histoire devenue muette au fil du temps, celle d'un chanteur sans nom.
Une vie singulière.
Un français né avant guerre qui pousse la chansonnette sur les ondes puis sur scène.
Mais vient les chars et les fusils, la résistance et la collaboration, et là, rideau.
Alors, il se construit à l'ombre de la gloire.
Il avance dans la vie
Plus vraiment chanteur de métier, il reste le confident de ceux à qui le succès continue de sourire
Buveur, bon vivant, tricheur, lâche et rigolo...l'homme derrière le masque apparaît.

Enquête, un mot polysémique, qui semble pouvoir décrire, le parti-pris du livre.
La narration vient confronter des points de vues, celui fantomatique du chanteur disparu et ceux des femmes - surtout- qui l'ont accompagné.
L'enquêteur,lui,jamais ne se prononce.
Mais les idées se forgent entre les cases.

Arnaud Le Gouëfflec sait habilement jouer avec son médium.
Par la bande dessinée, il donne à cette histoire toute sa densité.
Sans lourdeur, il parvient à multiplier les entrées, sans jamais les hiérarchiser.
Au moment où le tribunal est convoqué,
Au lecteur est laissé la mesure de son jugement.

Le tout est mis en couleur et en mouvement par Olivier Balez.
Indéniablement, son graphisme animé ne fut pas étranger au plaisir que j'ai pris à cette lecture.
L'album terminé, il reste encore à mettre une voix à ce chanteur sans nom...


mardi 17 juin 2014

Nao de Brown


Glyn Dillon (GB), Akileos, 2012

Avoir la trouille,
Qui ne connaît pas cette sensation ?
Ici, il y a trois personnages, chacun la boule au ventre...
Et trois façons de la dompter, de la détourner, de l'évacuer.
Au fil des pages, le lecteur entre dans leurs intimités.
Le personnage principal est une jeune femme, Nao, mi-anglaise mi-japonaise, elle se débrouille avec ses tocs morbides, oscillant sans cesse entre légèreté et gravité, entre énormités et banalités, entre frayeur et sérénité.

Il y a ce qui se voit et ce qui ne se voit pas, par le format de la  bande dessinée, l'auteur tente de sonder ces différentes émotions toutes tricotées. Au dedans, au-delà de ce tissu, émerge une autre zone de partage, celle qui se joue entre l’adulte et l’enfant. Deux entités pas vraiment codifiées, à la fois repoussées et fétichisées. Le récit n'en fait pas des mondes totalement autonomes et l'irruption du fantastique qui cependant jamais ne franchit les cases de la réalité, vient alors semer le trouble dans la lecture.

Malgré le sujet, le ton reste léger et souvent amusant, la narration est bien construite, les focalisations multiples n’égarent pas le lecteur.
Et puis il y a le dessin de Glyn Dillon. Pour ma part, il ne m'a pas laissée indifférente. Le choix de l’aquarelle et la finesse des traits évoquent la fragilité des personnages, mettent en exergue, la féminité de la jeune Nao et les maladresses attachantes de ses compagnons. Le rouge devient fil d’Ariane, au gré des pages, il marque la colère, le désir, rosit les joues et souligne les courbes.

Si la conclusion m’a relativement déçue, venant mettre un terme assez abrupt, un peu trop conventionnel à la lecture, je garde de ce livre une impression favorable. Il faut dire que le soleil rayonnant accompagnant ce moment a apporté de la chaleur au grain des pages et de la lumière aux idées noires.

mardi 10 juin 2014

Tōkyo est mon jardin

Frédéric Boilet, Benoît Peeters
Casterman classiques, 2003 [1ere édition 1997]


"Les histoires d'amours finissent toujours mal...en général..."
Rita Mitsouko, Les Histoires d'A, 1986

Tōkyo est mon jardin, secret ou non, il est habité.
Des gens, nombreux, différents.
Des liens professionnels, conventionnels,
amicaux et amoureux.

Dans la préface de l'édition de 2003, Dominique Noguet décrit cet ouvrage comme un «objet culturel non identifié ». Je ne me pose pas la question, Benoît Peeters, scénariste, Jirô Taniguchi pour les trames et Fréderic Boilet comme pilote, belle équipée !

Pour celui qui ne connaît ni la ville, ni la culture japonaise, cette bande dessinée en donne un  témoignage. Bien documentée, elle n'en devient pas moins un reportage, plutôt une chronique ordinaire où se livre une kyrielle de petits détails.

La lecture est passionnante, pour les yeux, pour les sens et pour l'imagination.
 
Une histoire personnelle, en partie autobiographique, un cadre réaliste mais évasif. L'histoire se trame au fil des pages, une à une travaillées, l'assemblage est soigné mais aussi malicieux. Au détour d'un sourire, d'un paysage urbain, les traits dessinés deviennent poétiques comme la calligraphie japonaise s'installant dans les cases.
Surprise, l'ouvrage est bilingue, il se lit pourtant sans difficultés, les traductions s'effacent...
 
On y suit « un homme à lunettes », un étranger devenu familier de Tōkyo, c'est son histoire et ses amours qui se  dévoilent, son jardin. 
Alors, la question se pose - ressemble-t-il plus à son auteur qu'à son lecteur ? 
A chacun de s'en faire son idée.

mardi 3 juin 2014

Katharine Cornwell

Marc Malès, Les Humanoïdes Associés, 2007



M'a déjà interpellé la femme sur la couverture ni souriante, ni antipathique, elle pose en robe rouge regardant celui qui la scrute.
Katharine Cornwell, son nom est donné par le titre. Je découvrirai plus tard qu'il s'agit seulement d'un personnage de fiction, non d'une biographie. En ouvrant l'album, le contraste est saisissant entre les couleurs de la couverture, et la sobriété du noir et blanc des pages. Le style est intriguant. Étrangement il m'évoque certains dessinateurs américains qui avaient bonne presse dans les « illustrés français d'antan ».
Je me laisse embarquer. 


L'histoire se situe, elle-aussi dans l'entre-deux-guerres, aux États-Unis. Le temps de la création et celui de la narration se mêle par le dessin,
premier télescopage.
Les pages d'ouverture ont de quoi dérouter le lecteur, mais je n'en dis pas plus. Katharine est actrice, elle tient le rôle principal d'une pièce, cette fois-ci bien réelle : L'étrange intermède. L'auteur, Eugène O'Neill a été une figure du réalisme dramatique américain des années 1930. La fiction dérobe la réalité.
La pièce s'articule autour de non-dits familiaux et d'un couple mal assorti. Coïncidences ? Elle fait écho au parcours de cette femme. Elle, semble un peu perdue, bien taiseuse et pas vraiment heureuse.
Où se situe la limite et quel est ce secret qui sans jamais se dire, transpire ?

La trame narrative de cette bande dessinée a tout du mélodrame, pari risqué, tant le genre est éculé! Cependant, Marc Malès réussit à se l’approprier pour mieux le détourner. Il joue avec les frontières entre fiction(s) et réalité(s), et son personnage se perd entre les vraisemblances et les apparences,la scène et le reste...
Une mise en abyme agréablement servi par un dessin élégant, cette bande dessinée est à découvrir.

Bande tirée de la page 74.



mardi 27 mai 2014

Volivent

Une fois n'est pas coutume et c'est peu de le dire, 
je voudrais parler de musique.
Deux musiciens, une flûte, une nyckelharpa et onze mélodies folk.

Folk, comme folklore ?
Tradition inventée, amassée, terme politique?
Qu'importe tous cela, ces airs folks m'interpellent.

Au delà du cercle familial, du clan ou de la marge,
Au delà des particularismes,
 il y a quelque chose de plus éminent dans cette musique,
quelque chose de plus "universel", bien que le mot ne soit pas non plus le bon.
A chacun son appropriation, et celle-là me plait.
Certes l'émotion est personnelle, lien intime que je partage.
Mais plus encore, les airs de flûte et de nyckelharpa,
viennent comme le souffle faire vibrer au-dedans, 
et comme le vent incitent le corps au mouvement.
  
A découvrir et en écoute à cette adresse:  http://volivent.bandcamp.com/ 
S'y trouve aussi disponible leur premier album : 
Busking Tour of New Zealand, Volivent, 2014.
 





mardi 20 mai 2014

Le rayon de la mort

David Clowes Édition Cornélius, 2010.

Quand les super-pouvoirs se tirent à coup de lattes et que la mort sort d'un gadget, bien dérisoire semble le reste. C'est une histoire de super héros, où l'on cherche tout autant le super que le héros.

Le ridicule n'est pas de mise, cela est bien sérieux, voire grave, mais pas assez pour s'empêtrer dans un discours uniquement sociologique. Les canons d'une certaine culture américaine que certains diront populaire, sont traqués, détournés, infiltrés par l'auteur qui se les approprie. Par eux, il donne corps, forme et densité à son histoire, tant sur le plan graphique que narratif.

Une «middle town», comme il en existe certainement beaucoup d'autres aux États-Unis. Deux ados, et une amitié qui naît, ado rêveur, ado chi...r et puis, l'irruption inattendue d'une force extraordinaire. Voila le jeune Andy mué en invincible, résolu à lutter pour le bien celui de la communauté. Mais, zut ! Où se traque le mal, quand jamais rien ne se passe? L'obsession sécuritaire se montre contre-productive... et la vie continue de couler.

Tic tac, les heures passent et puis les années passent. Par là une amourette et par çi une castagne, par ici l'ami et par là l'amant, et puis les jeunes, les vieux, les blancs, les noirs.... Mal Aise, espoir et désuétude.

La lecture est rythmée par les nombreux portraits qui s'esquissent - au lecteur d'imaginer la suite. Du pop au rock en passant par le punk, la musique ne cesse d'être présente, l'auteur parvient à créer une texture musicale, les yeux percevant presque le grésillement des transistors! En parallèle, l'alternance graphique des séquences renforce le plaisir de tourner les pages. C'est amusant, divertissant et indéniablement bien construit. Le tout est maîtrisé, presque trop impeccable, et cependant non loin de là, la mauvaise graine...toute proche la fissure...