Être entourée de livres, d'images et de mots et tenter d'en dire quelque chose, de partager...

Garder une trace, vaine intention, peut être... Tant pis...

Un blog à défaut -blogger - (et oui, je cède à la simplicité et je me fais complice de google, tant pis....). Les messages s'affichent des plus récents aux plus anciens...



mardi 25 février 2014

Monsieur personne


Jeff Lemire, Vertigo/Panini Comics, 2010.
Ce comics est canadien et puisque désormais ce côté de l'océan fait un peu partie de la famille, mais me reste toujours inconnu, cette lecture vient faire un pont.
L'histoire se joue quasiment en huis-clos, au sein d'un village que l'on devine loin de toute grande ville. Il borde un lac où l'on pêche la perche, la forêt tout autour. En son sein, de larges rues apparaissant le plus souvent désertes, un motel, un café et puis un poste de police. Paysage de western des temps modernes....
Un homme aux lunettes de soleil rondes fait irruption, son allure est pour le moins surprenante. Tout son corps, à commencer par son visage est recouvert de bandes. Suffisamment étonnant pour éveiller toutes sortes de soupçons et de fantasmes chez les habitants, mais aussi pour certains une simple indifférence. Pas très causeur, il sort à peine, souvent la nuit.
Peu à peu le lecteur le découvre, mais son histoire reste couverte, il fait parler de lui, il se parle, mais ne parle guère de lui. L'auteur joue certainement sur ce flou, il ne fait qu'évoquer, cet homme qui ne dit rien, qui ne ressemble à rien. Un lien se noue entre deux personnages et c'est lui qui fait l'essentiel de la trame narrative.
Une revisite de « l’homme invisible » de H.G Wells. Certes, on sent crescendo le malaise s'installer, mais pas suffisamment pour déstabiliser le lecteur. Cette bande dessinée se lit facilement, presque trop rapidement. Néanmoins la lecture reste agréable et le dessin est accrocheur, du moins pour moi. L'atmosphère est bien figurée, les découpages bien ciselés, à certains endroits la forme interagit habilement avec le fonds, comme certains flash-back dessinés plutôt qu'énoncés. Malgré tout, en refermant le livre on reste sur sa fin, mais peut-être, est-ce un parti pris bien décidé de l'auteur, alors on se met à réfléchir …



Puisque le pont est jeté...
Je profite de ce billet outre-atlantique et boréal pour évoquer une série de bande dessinée numérique publiée sur Delitoon : Québec Land. Il s’agit d’une chronique divertissante collectionnant les scènes de vies d'un jeune couple parti découvrir les contrées québécoises !  A travers les épisodes, l’expérience du voyage et de l'altérité se dessinée entre stéréotypes, pittoresque et sensibilité. Le dessin est léger, la narration somme toute consensuelle, mais bon tant pis, puisque ça rapproche un peu, des deux chicoutimiens  si loin.. je vous salue!

mardi 18 février 2014

Mauvais genre


Chloé Cruchaudet, Delcourt, 2013.

Cette bande dessinée a obtenu plusieurs prix, en particulier celui de l'ACBD (association des critiques de bandes dessinée). En l'empruntant récemment, je ne le savais pas encore. Je l'avais découvert par l'intermédiaire des ondes radios, dans une émission d'histoire que je me plais à écouter (La fabrique de l'histoire). L'auteur expliquait comment elle s'était inspirée d'un documentaire radiophonique en dialoguant en direct avec les créateurs de ce dernier, eux même inspirés par la lecture d'un livre...emboîtement en forme de matriochka, cela ne pouvait qu'aiguiser ma curiosité !

Ainsi l'histoire m'était déjà connue, cela n'a pas gâché la lecture, bien au contraire ! J'ai aimé cette bande dessinée, les mises en scène sont subtiles, les dialogues bien construits et l'air du temps bien senti. Dessinée en bichromie elle se pare de noir, de gris et elle est rehaussée de rouge. Le rouge, ici semble venir souligner la féminité. Il colore les lèvres, les ongles, les robes qui virevoltent, se fripent et se soulèvent. Et cette féminité est justement questionnée, à la fois sublimée et désirée, apprivoisée, et écorchée.
Mais le rouge, c'est aussi la couleur du sang qui entache ce récit du début à la fin. Car, bien sûr, on ressort de cette lecture plus riche des mélange des genres, mais aussi toujours plus en colère contre cette putain de guerre qui n'en finit jamais de faire souffrir !

Et puis plus tard, le livre refermé, c'est le poids et les effets des traumatisme narrés dans cette histoire qui ne veulent pas s'arracher de ma pensée. Les brèches traumatiques s'inscrivent ici comme là, dans le cours des vies. En y apportant leur lot d'ambiguïtés, elles  viennent colorer l'existence d'une douceur amère, ou d'une folie douce...les frontières sont si tenues, et parfois terriblement ravageuse.

mardi 11 février 2014

Pages intérieures



Stéphane Courvoisier et Jacky Beneteaud, Actes sud/L’an2, 2001

Qu’est ce qui a donc retenu mon attention ?
Le regard de cette jeune femme
Sur la couverture, certainement.
Brouillé et limpide à la fois,
le trait du dessin ne donne pas à voir au lecteur,
Il laisse plutôt songeur.
Les couleurs diluées naviguent dans un entre-deux grisé.
La bande dessinée est noire,mais elle n'est pas sombre.

Un homme, une femme.
Un lieu de rencontre, les mots.
Si le cadre premier est une bibliothèque
L’histoire se déroule, se défoule bien au delà.
Onirique, l’aventure le devient,
Amoureuse, une liaison, c’est à découvrir.
Les cases se dédoublent, la symétrie est formelle,
mais les sensibilités sont-elles partagées ?
Jeu habile entre le fond et la forme,
Quand les cases se répondent, les personnages s’apprivoisent.

Une belle expérience de lecture, cet album est aussi un bel objet, souple, léger et discret comme l’histoire qui s’y noue.

mardi 4 février 2014

Aâma


Frederik Peeters , Gallimard, série en cours, trois tomes parus 2011-2013.

Ce ne sont pas les premiers ouvrages que je lis de cet auteur et à chaque fois, je suis surprise, agréablement, mystérieusement. Et pourtant, à chaque fois aussi, la même appréhension, fais-je rentrer dans l'histoire alors que de prime abord, le trait du dessin ne me séduit pas ?

Il y a déjà eu Pillules Bleues, bande dessinée en noir et blanc qui aborde la question du SIDA dans une vie de couple.

Et puis il y a eu Lupus, série en quatre tomes, encore en noir et blanc qui irrésistiblement m'a marquée. ( Je reviendrais certainement dessus).

Et puis plus récemment Aâma.

Cette fois ci, la couleur fait irruption dans les pages, ce qui ne vient pas gâcher le plaisir. J'ai vite oublié l'appréhension de départ, l'auteur construit un univers inédit et fantastique. Oeuvre de science-fiction, certainement, le genre m'est si peu familier. Elle narre à la fois une aventure collective et individuelle. Et c'est bien là la réussite de cette série, du moins c'est par là qu'elle m'interpelle. Récit d'aventure, la trame narrative se densifie, l'intimité d'un individu se mêle à celui plus vaste d'une entité mal définie, l'humanité ?

Le premier tome débute dans un futur indéterminé, au sein d'une société étagée, au sens propre et figuré, où la technologie est « presque » devenue naturelle, intégrant le corps et les esprits des hommes. Seuls quelques-uns perçus comme sectaires, revendiquent le droit de vivre sans l'aide de cette dernière.

Le lecteur y fait la connaissance de Verloc, c'est lui qu'il va suivre dans ce récit.Un être, un peu perdu entre colère et désespoir...Embarqué par son frère dans une mission qui a pour but de ramener une poignée de scientifiques d'une planète inhabitée où ils devaient réaliser des expériences dont au départ on ne sait peu de chose.

Verloc atterrit donc dans un monde inconnu où se déroule l'histoire qui au fil des pages et des albums mais aussi des flashbacks prend toute son ampleur et son intensité...

Tombée presque par hasard sur une émission de radio où intervenait Frédéric Peeters, je l'ai entendu reprendre les mots de Moebius parlant de science-fiction «la possibilité par la création de paysages extérieurs de recréer des paysages intérieurs». Il y a une part d'autobiographie dans cette bande dessinée. L'auteur ne s'en cache pas, «comment ne pas mettre de soi, dans un projet qui va s'entendre sur plusieurs années?!». Mais plutôt que de venir s'étaler, cette part d'introspection vient saisir le lecteur dans sa propre intimité, s'en dégage alors une étrange familiarité avec cet univers imaginé. De vastes pleines presque désertiques où la tension est palpable succèdent à des jungles monstrueuses, les paysages de Peeters sont plus que surnaturels et c'est là, tout à la fois leur beauté, leur danger et leur cruauté....

Une bande dessinée qui, arrivée à son troisième tome, n'en finit pas de gagner en densité...à suivre donc !