Être entourée de livres, d'images et de mots et tenter d'en dire quelque chose, de partager...

Garder une trace, vaine intention, peut être... Tant pis...

Un blog à défaut -blogger - (et oui, je cède à la simplicité et je me fais complice de google, tant pis....). Les messages s'affichent des plus récents aux plus anciens...



mardi 29 avril 2014

L'histoire du corbac aux baskets


Fred, Dargaud 1993, édition 2003 (couleurs: Chagnaud)






Ben Fred, c'est beau.

C'est beau sans être béat

pis, ca fait marcher les méninges.



Un corps tout emplumé,

une tête bien ampoulée...

Un mal être pas commode

Et un corbeau au cœur bleu 



Il y a les messes basses

Liturgie quotidienne

des coins des rues,

des couloirs de bureaux

Les regards qui toisent

les êtres qui pavoisent

toujours bancale

cette chienne de vie.



Des baskets, pour être à l'aise ?

Mais où être à sa place ?

Dis l'oiseau, ca vole haut ?

Dis bonhomme tu veux quoi ?





Une bien belle histoire, de jolies pirouettes dans le verbe et dans les traits. Fred s'amuse en racontant par des cases pas sages des histoires pas drôles.

Et pourtant, le sourire elles donnent !

Cette bande dessinée interroge, elle émerveille aussi, c'est comme un livre d'enfants qui se raconte aux adultes. La mise en page est astucieuse...presque (?) un livre-jeu....Il y dans chaque page de l’ingéniosité pleine de malice !

Certes, ca parle beaucoup dans cette histoire, mais psychanalyse oblige.

Puis il y a plein de bruits, tac, dring, toc, ça gueule et ça chuchote et parfois ça roupille

Les dessins sont grandiloquents, les personnages nombreux, intemporels, anonymes, loufoques, énervants, attendrissants.

les couleurs vives (chapeau au coloriste) et le trait expressif... pas d’excès- ou si peu...

Juste de la générosité, juste de la monstruosité !



Un bien bon moment de lecture !!


les trois cases sont extraites de la page 31 de la présente édition



mardi 22 avril 2014

Villes Invisibles

Italo Calvino, Édition du Seuil, 1996
Le città invisibili1972


« C'est le soir, nous sommes assis sur le grand escalier de ton palais, il souffle un peu de vent, répondit Marco. Quelque que soit le pays que mes paroles évoquent autour de toi, tu le verras d'un observatoire situé comme est le tien, même si à la place du palais impérial, il s'agit d'un village sur pilotis et si la brise apporte l'odeur d'un estuaire fangeux » .

« ...parce que le passé du voyageur change selon l'itinéraire parcouru... »

« L'ailleurs est un miroir en négatif. Le voyageur y reconnaît le peu qui lui appartient, et découvre ce qu'il n'a pas eu, et n'aura pas. »


Citations : pp. 35, 37, 38
Image :
Trieste, 25 novembre 2013

mardi 15 avril 2014

La racine de l'ombù


Julio Cortazar, Alberto Cedron, CMDE, 2013


Luttes armées, il est mort ce combat.
Espoir de lutte, il n'y a rien demain.
Capturer l'ennemi ?
Je, il le reste.


 
Ce livre je ne l'ai pas trouvé. Il m'a été offert arrivé par courrier là ou je ne l'attendais pas.

Je retiens l'émotion certaine d'ouvrir les pages, je retiens aussi l'étrange impression de mal aise.



Mal aise devant ces dessins qui, sous des traits naïfs n'en restent pas moins incisifs, vifs et violents. Les couleurs sont dérangeantes elles aussi et viennent surprendre l'oeil. Elles frappent de stupeur comme les visages monstrueusement humains. Les personnages découpés dans le décor ne semblent jamais être à leur place, là où il faut, là comme il faut, là quand il faut.



Cette bande dessinée est l’œuvre de deux deux argentins. L'un, Alberto Cedron a livré -délivré? ses dessins à l'autre, écrivain, Julio Cortazar. Lui, a mis ses mots pour ceux que par les traits cherchait peut-être à exprimer le premier. L'un à l'autre plus que l'un avec l'autre, ils ont crée un objet. Formellement, esthétiquement est-ce une bande dessinée, un roman graphique ? Je n'ai pas à trancher. Pris entre deux subjectivités, ce livre devient unique.


Comme point de départ un homme en fuite - en marche... Réfugié, exilé? Il arrive à la table d'Alberto, buveur de maté. Une nuit pour raconter son histoire. Une histoire mystérieuse, auprès d'un arbre, presque fantastique, et puis une histoire triste. A travers le récit d'Alberto se déroule plus d'un demi siècle d'une Argentine balancée entre espoirs et désillusions, le lot récurrent de ceux qui veulent croire à une idée. Abruptement cela s’arrête. L'histoire, elle reste en marche...



C'est à un collectif des métiers de l'édition (CMDE) que l'on doit cette première et récente traduction (Mathias de Breyne) en français. Cette édition ajoute au corps de l'ouvrage plusieurs compléments, en particulier de la correspondance et un poème de Julio Cortazar. Un bel objet à découvrir mais peut être pas facile à trouver.



Et puis...,
Dans cette lecture j'ai retrouvé des échos d'un autre Alberto que j'apprécie particulièrement. Alberto Breccia. Déjà dans les années 1960 avec Hector Oesterheld, ils traduisaient par des mots et dessins le jeu perfide du pouvoir. (voir par ci ou par là

image : p.39

mardi 8 avril 2014

Bar à Joe

J. Muñoz et C. Sampayo, Casterman, A suivre, 1981.

Ces deux là décidément me plaisent !

 Est-ce par ce qu'ils forment une paire qu'ils réussissent à faire résonner des échos multiples ? 
Parce que les histoires sont plurielles, chaque lecture se fait individuelle, aucune n'est solitaire. 
Dans les dessins, comme dans les mots rien ne se livre jamais directement, mais rien n'est compliqué non plus. Les contrastes du noir et du blanc sont par nature saisissants, ils impressionnent et forcent l'oeil à scruter tous les coins de la case, tous les coins de la page....
Dure, c'est la vie, coulante, c'est encore elle, narrée et dessinée. La lecture se teinte d'un amer tendre et cruel qui, l'album refermé ne se fait pas oublier....

Le Bar à Joe est comme son nom l'indique un rade où se brasse une multitude qui passe, parfois une fois, parfois souvent, et parfois plus le pas de la porte. En cinq chapitres, ce sont les vies d'un sans-papiers, de buveurs de Daikiri, d'une ex gloire de la boxe, d'un couple d'amoureux, d'un père et d'un fils, qui se suivent, s'entremêlent tout en s'ignorant. Derrière, et devant se glissent d'autres histoires anonymes. Muñoz et Sampayo ont la magie du liant, de l'enchevêtrement qui jamais n'accumule. Sur ou sous exposée, en premier comme en arrière-plan, la profondeur des êtres et la surface vicieuse de la vie se dévoilent tour à tour.

A noter, dans cette édition, la préface de Jean Vautrin, d'où ce petit paragraphe:
"A l'aube merci Joe de balayer nos chiures, nos fantasmes, nos cris et nos bouts filtres. Il faut bien repartir. La foule nous absorbe à nouveau. Ce sera long jusqu'au soir!"

Et puis,
Alack Sinner, déjà croisé par là, se retrouve ici, aussi, au Bar à Joe....

mardi 1 avril 2014

Pinocchio

Winshluss, Les Requins Marteaux, 2008.

Winshluss se livre dans cette bande dessinée à une revisite du conte Pinocchio.
Si je n'ai jamais lu l’œuvre originelle de Carlo Colodi, publiée en 1881, j'ai été imbibée de l'adaptation qu'en fit Walt Disney et ce sont les séquences du film, les musiques et le nez qui pousse qui ont marqué mon propre imaginaire et sont venues se confronter à l'univers de Winshluss.
Chez lui, le jeune pantin n'est plus de bois mais de fer, la fée a disparu, Jiminy Cricket s'est transformé en Jimmy le Cafard et l'enchantement devient macabre. Mais enchantement il y a...
Si Disney cherchait à apaiser, Winshluss lui vient réveiller, titiller des instincts plus vils, des aspirations insatisfaites.... Le conte a ce quelque chose d'universel, qui sans forcement être dicible, interpelle. La bande dessinée réussit avec brio à trouver là où ça grouille.... Cradingue, le mot vient pour illustrer certaines passages... et pourtant l'ensemble ne tombe jamais dans le salace. Nuances subtiles ? Peut-être ? Nuances personnelles ? Sûrement ... Mais nuances.

Cette bande dessinée est puissante et habilement construite. Les mises en pages alternent, se font face et se font clash, marquant le rythme d'une lecture qui n'a guère d'espace pour se reposer. Sous la forme de feuilleton, l'histoire se déroule. La couleur alterne avec le noir est blanc, d'une page de comics américain, on passe à un spot publicitaire, puis à des croquis de carnet dessiné. Mais ce mélange n'est pas un simple digest, il est articulé.

L'auteur s'amuse avec les genres du roman populaire, avec les codes et les « égéries » de la culture de masse.... La mythologie moderne est à la fois canonisée et dynamitée ! De Charlot à la surfeuse du Pacifique en passant par le détective alcoolique et cynique on retrouve autant de figures de la culture moderne. L'imaginaire enfantin n'est pas en reste. Blanche Neige en prend pour son grade tandis qu'un personnage aux traits pas si lointain des Katzenjammer Kids rappelle que les enfants se montrent aussi cruels. Sensible peut-être de part ma propre personne, je me suis amusée à voir défiler les visages du féminin.
Et puis il y a en dedans de cela un souffle de romantique, Jimmy le cafard -autre nom du spleen- est un éternel insatisfait, un idéaliste dérisoire. Dictature fanatisme, l'aveuglement revient à maintes reprises...l'œil voyeur, l'œil  qui scrute,  l'œil miroir.
Un conte se donne à lire et à entendre, une bande dessinée se donne à lire et à observer.

Dans cette densité référentielle, la trame narrative est bien là. L'histoire se poursuit, au fil des pérégrinations de Pinocchio, en orbite ou sur la mer, se succèdent les paysages, les personnages et les carnages... un seul instant ses yeux s'éveillent...un seul instant il semble prendre part à la valse du monde...
Petit bonhomme, toujours seul sur la route, il n'en finit pas de marcher...Seul, inexorablement et ainsi, si vraisemblablement humain!
 
détail p.41