Être entourée de livres, d'images et de mots et tenter d'en dire quelque chose, de partager...

Garder une trace, vaine intention, peut être... Tant pis...

Un blog à défaut -blogger - (et oui, je cède à la simplicité et je me fais complice de google, tant pis....). Les messages s'affichent des plus récents aux plus anciens...



mardi 24 juin 2014

Le chanteur sans nom

Arnaud Le Gouëfflec, Olivier Balez,
Glénat, 2011.

Partir des traces, une boite à souvenir.
Se confronter aux témoignages et tracer une mémoire.

Par cet album les auteurs font resurgir une aventure pleine de mélodie.
Une histoire devenue muette au fil du temps, celle d'un chanteur sans nom.
Une vie singulière.
Un français né avant guerre qui pousse la chansonnette sur les ondes puis sur scène.
Mais vient les chars et les fusils, la résistance et la collaboration, et là, rideau.
Alors, il se construit à l'ombre de la gloire.
Il avance dans la vie
Plus vraiment chanteur de métier, il reste le confident de ceux à qui le succès continue de sourire
Buveur, bon vivant, tricheur, lâche et rigolo...l'homme derrière le masque apparaît.

Enquête, un mot polysémique, qui semble pouvoir décrire, le parti-pris du livre.
La narration vient confronter des points de vues, celui fantomatique du chanteur disparu et ceux des femmes - surtout- qui l'ont accompagné.
L'enquêteur,lui,jamais ne se prononce.
Mais les idées se forgent entre les cases.

Arnaud Le Gouëfflec sait habilement jouer avec son médium.
Par la bande dessinée, il donne à cette histoire toute sa densité.
Sans lourdeur, il parvient à multiplier les entrées, sans jamais les hiérarchiser.
Au moment où le tribunal est convoqué,
Au lecteur est laissé la mesure de son jugement.

Le tout est mis en couleur et en mouvement par Olivier Balez.
Indéniablement, son graphisme animé ne fut pas étranger au plaisir que j'ai pris à cette lecture.
L'album terminé, il reste encore à mettre une voix à ce chanteur sans nom...


mardi 17 juin 2014

Nao de Brown


Glyn Dillon (GB), Akileos, 2012

Avoir la trouille,
Qui ne connaît pas cette sensation ?
Ici, il y a trois personnages, chacun la boule au ventre...
Et trois façons de la dompter, de la détourner, de l'évacuer.
Au fil des pages, le lecteur entre dans leurs intimités.
Le personnage principal est une jeune femme, Nao, mi-anglaise mi-japonaise, elle se débrouille avec ses tocs morbides, oscillant sans cesse entre légèreté et gravité, entre énormités et banalités, entre frayeur et sérénité.

Il y a ce qui se voit et ce qui ne se voit pas, par le format de la  bande dessinée, l'auteur tente de sonder ces différentes émotions toutes tricotées. Au dedans, au-delà de ce tissu, émerge une autre zone de partage, celle qui se joue entre l’adulte et l’enfant. Deux entités pas vraiment codifiées, à la fois repoussées et fétichisées. Le récit n'en fait pas des mondes totalement autonomes et l'irruption du fantastique qui cependant jamais ne franchit les cases de la réalité, vient alors semer le trouble dans la lecture.

Malgré le sujet, le ton reste léger et souvent amusant, la narration est bien construite, les focalisations multiples n’égarent pas le lecteur.
Et puis il y a le dessin de Glyn Dillon. Pour ma part, il ne m'a pas laissée indifférente. Le choix de l’aquarelle et la finesse des traits évoquent la fragilité des personnages, mettent en exergue, la féminité de la jeune Nao et les maladresses attachantes de ses compagnons. Le rouge devient fil d’Ariane, au gré des pages, il marque la colère, le désir, rosit les joues et souligne les courbes.

Si la conclusion m’a relativement déçue, venant mettre un terme assez abrupt, un peu trop conventionnel à la lecture, je garde de ce livre une impression favorable. Il faut dire que le soleil rayonnant accompagnant ce moment a apporté de la chaleur au grain des pages et de la lumière aux idées noires.

mardi 10 juin 2014

Tōkyo est mon jardin

Frédéric Boilet, Benoît Peeters
Casterman classiques, 2003 [1ere édition 1997]


"Les histoires d'amours finissent toujours mal...en général..."
Rita Mitsouko, Les Histoires d'A, 1986

Tōkyo est mon jardin, secret ou non, il est habité.
Des gens, nombreux, différents.
Des liens professionnels, conventionnels,
amicaux et amoureux.

Dans la préface de l'édition de 2003, Dominique Noguet décrit cet ouvrage comme un «objet culturel non identifié ». Je ne me pose pas la question, Benoît Peeters, scénariste, Jirô Taniguchi pour les trames et Fréderic Boilet comme pilote, belle équipée !

Pour celui qui ne connaît ni la ville, ni la culture japonaise, cette bande dessinée en donne un  témoignage. Bien documentée, elle n'en devient pas moins un reportage, plutôt une chronique ordinaire où se livre une kyrielle de petits détails.

La lecture est passionnante, pour les yeux, pour les sens et pour l'imagination.
 
Une histoire personnelle, en partie autobiographique, un cadre réaliste mais évasif. L'histoire se trame au fil des pages, une à une travaillées, l'assemblage est soigné mais aussi malicieux. Au détour d'un sourire, d'un paysage urbain, les traits dessinés deviennent poétiques comme la calligraphie japonaise s'installant dans les cases.
Surprise, l'ouvrage est bilingue, il se lit pourtant sans difficultés, les traductions s'effacent...
 
On y suit « un homme à lunettes », un étranger devenu familier de Tōkyo, c'est son histoire et ses amours qui se  dévoilent, son jardin. 
Alors, la question se pose - ressemble-t-il plus à son auteur qu'à son lecteur ? 
A chacun de s'en faire son idée.

mardi 3 juin 2014

Katharine Cornwell

Marc Malès, Les Humanoïdes Associés, 2007



M'a déjà interpellé la femme sur la couverture ni souriante, ni antipathique, elle pose en robe rouge regardant celui qui la scrute.
Katharine Cornwell, son nom est donné par le titre. Je découvrirai plus tard qu'il s'agit seulement d'un personnage de fiction, non d'une biographie. En ouvrant l'album, le contraste est saisissant entre les couleurs de la couverture, et la sobriété du noir et blanc des pages. Le style est intriguant. Étrangement il m'évoque certains dessinateurs américains qui avaient bonne presse dans les « illustrés français d'antan ».
Je me laisse embarquer. 


L'histoire se situe, elle-aussi dans l'entre-deux-guerres, aux États-Unis. Le temps de la création et celui de la narration se mêle par le dessin,
premier télescopage.
Les pages d'ouverture ont de quoi dérouter le lecteur, mais je n'en dis pas plus. Katharine est actrice, elle tient le rôle principal d'une pièce, cette fois-ci bien réelle : L'étrange intermède. L'auteur, Eugène O'Neill a été une figure du réalisme dramatique américain des années 1930. La fiction dérobe la réalité.
La pièce s'articule autour de non-dits familiaux et d'un couple mal assorti. Coïncidences ? Elle fait écho au parcours de cette femme. Elle, semble un peu perdue, bien taiseuse et pas vraiment heureuse.
Où se situe la limite et quel est ce secret qui sans jamais se dire, transpire ?

La trame narrative de cette bande dessinée a tout du mélodrame, pari risqué, tant le genre est éculé! Cependant, Marc Malès réussit à se l’approprier pour mieux le détourner. Il joue avec les frontières entre fiction(s) et réalité(s), et son personnage se perd entre les vraisemblances et les apparences,la scène et le reste...
Une mise en abyme agréablement servi par un dessin élégant, cette bande dessinée est à découvrir.

Bande tirée de la page 74.